– Psychiatrie et libertés individuelles : étude d’établissements caractérisés par un moindre recours à la coercition

IReSP – Institut de Recherche en Santé Publique

2021-2023

Contexte

Les établissements autorisés en psychiatrie présentent d’importantes disparités au regard des libertés individuelles, en particulier en matière de coercition : tandis que des établissements y recourent fréquemment, d’autres ne l’emploient qu’exceptionnellement. Outre les inégalités relatives au respect des droits, ces disparités induisent une perte de chances pour une partie des patients et pèsent sur le système de santé. Le recours à la coercition peut conduire à des traumatismes physiques et psychologiques chez les patients, provoquer un vécu négatif pour les soignants, rompre l’alliance thérapeutique, engendrer des ruptures de parcours, et induire une augmentation des coûts pour le système de soins. L’étude d’établissements moins coercitifs, aujourd’hui peu visibles et investigués, peut permettre de dégager les leviers d’une psychiatrie plus respectueuse des libertés individuelles.

Objectifs

Ce projet de recherche, réunissant chercheurs en soins infirmiers, sociologues, géographes, médecins, professionnels et usagers, vise une meilleure compréhension des établissements moins coercitifs et de leur fonctionnement. Il interroge le déploiement des pratiques, savoirs, et formes d’organisation et de coopération favorisant une meilleure prévention et gestion des crises, et de meilleures conditions d’hospitalisation. La compréhension de ce phénomène nécessite de multiplier les échelles d’observation et d’interroger les constructions de la relation de soins, la socialisation des soignants, le fonctionnement et l’organisation des services, l’identité et l’histoire de l’établissement, ainsi que les collaborations déployées à l’échelle des territoires. Au sein d’établissements moins coercitifs, nous souhaitons précisément :

  • Comprendre l’histoire de ces établissements et identifier les acteurs et les événements ayant favorisé la mise en place de ces environnements moins coercitifs ;
  • Identifier et caractériser les savoirs et pratiques des professionnels et usagers à différents niveaux de la prise en charge, et leurs soubassements théoriques, épistémologiques, cliniques et expérientiels ;
  • Identifier et caractériser les formes d’organisation, de coordination et de coopération mises en place à différents niveaux du parcours de soins des patients (hospitalisation, ambulatoire) ;
  • Spécifier le rôle qu’ont joué le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté, les associations d’usagers, et les tutelles (Association Régionale de Santé, Haute Autorité de Santé) ;
  • Identifier et analyser les effets du moindre recours à la coercition sur le parcours de soins des patients ainsi qu’en matière de satisfaction des professionnels et des usagers.

Nous faisons également l’hypothèse que ces établissements ont géré de façon spécifique la crise du Covid-19, et identifierons des pratiques, savoirs et formes de coopération ayant éventuellement permis de concilier de manière originale respect des libertés individuelles et mesures sanitaires.

Méthodes

Ce projet de recherche est structuré en trois tâches :

  • Un inventaire d’établissements et de pratiques reposant sur l’analyse de la littérature scientifique, de rapports du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté et de la Haute Autorité de Santé, et sur l’analyse des données du Recueil d’Information Médicalisé en Psychiatrie (RIM-P) ;
  • L’étude intensive de quatre établissements ou pôles moins coercitifs du territoire national, et bénéficiant d’une antériorité en matière de moindre recours à la coercition ;
  • L’étude de trois établissements de la région Auvergne-Rhône-Alpes, engagés dans un processus de limitation du recours à la coercition. L’étude de ces établissements et de leur environnement repose sur une approche méthodologique combinant entretiens, observations, méthode documentaire, et analyse des données du RIM-P, de la Statistique annuelle des établissements de santé (SAE), et des bases des données des établissements.
Perspectives

Cette étude participe à l’affirmation d’une psychiatrie soutenant le respect des libertés individuelles. Elle accompagne les modifications réglementaires récentes (Loi du 26 janvier 2016 sur la modernisation du système de santé ; Décision du Conseil Constitutionnel du 19 juin 2020 sur l’inconstitutionnalité de la législation actuelle en matière d’isolement et de contention ; Loi du 14 décembre 2020 de financement de la Sécurité Sociale). Les résultats fourniront aux professionnels et aux établissements des leviers à la transformation des pratiques en vue d’un moindre recours à la coercition. Ce projet permettra d’orienter les décisions concernant l’évolution de l’offre de soins en psychiatrie, les modalités de coordination et de coopération entre les différents acteurs du parcours de soin, afin de limiter les coûts physiques, psychosociaux, et économiques causés par le recours à la coercition.

Membres du projet

Groupe projet : Magali Coldefy – Jean-Paul Lanquetin – Frédéric Mougeot – Loïc Rohr – Sébastien Saetta –Yvonne Quenum – Livia Velpry – Stagiaire Infirmier en Pratique Avancée – Stagiaire en santé publique – Ingénieur·e de recherche (Sciences humaines et Sociales).

Comité de suivi : Brigitte Alban – Nadine Angénieux – Olivier Chamoret – Cécile Charmont – Éric Fakra – Emmanuelle Fillion – Claude Finkelstein – Dominique Friard – Radoine Haoui – Florian Magny – Delphine Moreau – Aurélie Tinland.