– Le travail éducatif contraint en milieu ouvert dans la prise en charge pénale des mineurs Recherche sociologique collaborative Franco-Québécoise

Coopération et Mobilité Internationale Rhône-Alpes (CMIRA) – Programme soutenu par le Conseil Régional Rhône-Alpes dans le cadre d’un accord entre l’université Lyon 2 et l’université de Montréal)
2017-2019

Responsables scientifiques :

Catherine Lenzi (ESPASS-IREIS, UVSQ PRINTEMPS), Bruno Milly (Lyon 2, CMW) pour la France / et Nicolas Sallée (UdM, CREMIS) pour le Québec.

Résumé :

Ce projet de recherche et de formation-recherche entend renforcer les partenariats établis entre l’Université Lyon 2 et l’Université de Montréal. Il est porté par le Centre Max Weber (UMR 5283 : Univ. Lyon 2, CNRS, ENS de Lyon, Univ. Saint-Etienne), en articulation avec le Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales et les discriminations (CREMIS), et d’autres chercheurs français spécialistes en sociologie du champ pénal. Il porte sur un objet novateur, au coeur des préoccupations actuelles des politiques publiques et du champ scientifique.

Les enjeux scientifiques du projet s’inscrivent dans la continuité de récents travaux sociologiques menés sur les transformations de la justice pénale des mineurs, depuis une vingtaine d’années, dans une majeure partie des pays occidentaux, à travers l’apparition de plusieurs dispositifs fondés sur une nouvelle catégorie d’action publique – l’action éducative contrainte. Pour le cas français, nous faisons référence aux dispositifs de placement, et d’incarcération, réservés aux jeunes considérés comme les plus « difficiles », en particulier les très controversés centres éducatifs fermés, créés en 2002, puis l’inauguration, dès 2006, de nouvelles prisons pour mineurs supposément éducatives.

Parmi les travaux pionniers en la matière, 4 principaux rapports conduits par des chercheurs de notre équipe (Sallée, Milburn, Lenzi), ont été remis, depuis 2011, à la Mission de recherche Droit et Justice (CNRS/Ministère de la justice). Partant de l’émergence d’un nouveau modèle fondé sur une relégitimation de la contrainte – et notamment de la contrainte pénale – dans la mise en œuvre des processus éducatifs (Sallée, 2014), les éclairages ont porté sur la singularité des agencements professionnels et organisationnels qui ont pris forme au sein des centres éducatifs fermés et des prisons pour mineurs. Les orientations poursuivies dans ce cadre ont permis de mettre au jour les reconfigurations professionnelles et organisationnelles à l’oeuvre, et de déceler, dans les écarts entre travail prescrit et travail réel, une recomposition de l’ordre éducatif (Lenzi, 2015), à travers le développement de pratiques et de savoirs informels et expérientiels, parfois même transgressifs.

Nos travaux ont mis en lumière que la mise à l’épreuve des ressorts d’action éducatifs, à travers ce que certains auteurs auront nommé l’avènement d’un « virage punitif » mondialisé, n’induit pas la fin du « modèle » protectionnel fondé sur une philosophie réhabilitatrice, mais permet sa reconfiguration (Sallée, 2014), à travers un agir professionnel réflexif, tactique et prudentiel (Lenzi, 2015) qui vise à articuler, plus qu’à les opposer, contrainte et éducation-réhabilitation. A travers l’articulation d’une logique de contrôle à une logique de réhabilitation, les intervenants mobilisent dans les faits, et au moyen de ruses, bricolages inventifs et jeux d’alliance, une diversité de réponses alternatives peu standardisées et pourtant essentielles pour favoriser une réflexivité pédagogique. Les options retenues, le plus souvent informelles, labiles et invisibles, rendent possible, malgré tout, et dans une certaine mesure, une pédagogie de la responsabilisation (Milburn, 2009).

Ce « nouveau modèle » de la responsabilisation et de l’action éducative contrainte, au cœur des réformes de la justice pénale des mineurs, loin de se cantonner à la prison et aux dispositifs de placement, tend également à s’étendre aux pratiques éducatives dites de « milieu ouvert » (Sallée, 2016).Il est donc primordial, à présent, dans un contexte général de désinstitutionalisation, de déplacer la focale vers le milieu ouvert, afin d’étudier, quelle reconfiguration du traitement des jeunes délinquants est à l’œuvre ‘hors les murs’ des institutions, et quelle construction des identités professionnelles et des collectifs de travail est possible.